L’expérience est faite de comportements. Chaque expérience nouvelle vient s’ajouter à celles du passé, et contribue à modifier notre vécu.
Elle est donc source d’apprentissage, donc de changement, dès lors qu’elle est assortie de la prise de recul nécessaire.
Le psychologue canadien Albert Bandura explique,
« Dans la vie, tout est cognitif, mais pour accéder à un changement cognitif, il faut passer par une expérimentation à un niveau comportemental »
Cela ne signifie pas que l’apprentissage théorique soit inutile. Au contraire, celui-ci, en créant des « représentations anticipatoires », optimise l’apprentissage pratique qui permet de les vérifier.
QUELLES SONT LES EXPÉRIENCES FORMATRICES ?
Toutes les expériences ne sont pas formatrices.
D’après Mc Cauley[1], quatre situations sont propices à l’apprentissage :
- L’existence d’enjeux importants ;
- La nécessité d’opérer des changements radicaux ;
- Le fait d’avoir à prendre des décisions malgré un large degré d’incertitude ;
- Une forte pression exercée par les supérieurs hiérarchiques.
On peut donc constater que le manager se trouve souvent dans l’une de ces situations, voire dans plusieurs d’entre elles en même temps.
Ces différentes contraintes amènent la personne à trouver des réponses nouvelles, à adopter de nouveaux comportements ou à établir des relations interpersonnelles qui n’existaient pas.
Toutes ces expériences sont donc formatrices, à condition que la personne reçoive une évaluation sur la qualité de ses initiatives et la pertinence de ses comportements.
D’autres chercheurs mettent l’accent sur la fonction « développementale » des épreuves. Ces épreuves peuvent être de cinq types :
- Des erreurs de comportement dans les relations avec les autres ;
- Des promotions manquées ;
- Des changements forcés d’orientation ;
- Des collaborateurs dont les performances sont insuffisantes ;
- Des difficultés personnelles.
Ces difficultés permettent à la personne d’évaluer plus justement ses possibilités et ses limites, et ses capacités à faire face aux situations difficiles.
Prendre du recul pour tirer les leçons des situations pénibles, qui sont souvent chargées émotionnellement, c’est également développer son intelligence émotionnelle.
Encore faut-il, pour que ce type d’expérience soit formateur, que l’entreprise accepte et encourage le droit à l’erreur.
EN QUOI L’EXPÉRIENCE EST-ELLE FORMATRICE ?
Selon John Dewey[2], psychologue et philosophe américain, on peut apprendre à partir de l’expérience de deux manières :
- De manière empirique, spontanée et accidentelle, par essais et erreurs. La personne vit l’action en temps réel, à un niveau plus émotionnel qu’intellectuel.
Bien que Dewey considère cette catégorie comme « grossière », elle est cependant importante car elle enrichit le vécu émotionnel de l’individu.
- De manière réflexive, fondée sur l’observation de l’action et de ses résultats. De l’action va naître une conceptualisation, qui va à son tour guider l’action, jusqu’au moment où l’individu trouve l’action la plus ajustée à sa situation et à son intention.
C’est ce va-et-vient entre la mise en œuvre et la réflexion qui permet d’apprendre par l’expérience.
Pour que l’expérience soit formatrice, il ne suffit pas qu’elle existe, mais il faut que le manager ait la volonté d’en tirer parti, éventuellement avec de l’aide.
En d’autres termes, l’apprentissage par l’expérience va permettre au manager de développer ce que Claude Levy-Leboyer appelle une méta-compétence, qui est la capacité d’apprendre à apprendre.
Les entreprises se posent souvent la question de l’identification de leurs futurs managers. Alors qu’elles ne peuvent pas identifier des compétences managériales – et pour cause, celles-ci n’ayant jamais été démontrées- elles auront tout à gagner à détecter chez leurs futurs managers cette volonté d’apprendre à apprendre.
[1] Levy-Leboyer C, La gestion des compétences, Editions d’Organisation, 1999
[2] Dewey J, Démocratie et éducation, Armand Colin, 1990